Bouchra Jarrar, la rigueur tranquille
En trois ans, cette créatrice française a imposé ses silhouettes aux lignes pures et élégantes qui tranchent dans un monde de robes de bal.
Première parution Le Monde
Moins surchargé que le calendrier du prêt-à-porter féminin, celui de la haute couture peut permettre à des talents singuliers de s'épanouir sans lutter à coups d'arguments publicitaires tapageurs. Bouchra Jarrar est de ceux-là.
En trois ans, cette créatrice française a imposé ses silhouettes aux lignes pures et élégantes qui tranchent dans un monde de robes de bal. Ses collections proposent un prêt-à-porter luxueux, édité en petite série, complété depuis peu par un prêt-à-porter classique. Un vestiaire à la rigueur tranquille. Les matières raffinées, les coupes au millimètre, les proportions savamment calculées relèvent du même devoir d'excellence que les modèles sur-mesure de haute couture.
Le style minimal de la créatrice dessine en filigrane le portrait d'une Française chic et cultivée, active et moderne. Le goût de la précision mathématique qui s'exprime jusque dans l'intitulé des collections, simplement numérotées, rejoint une sensibilité sereine.
OBSERVATRICE DE L'HUMAIN
Bouchra est aussi une fine observatrice de l'humain : l'allure des femmes, leur façon de bouger, mais aussi les garçons et le regard qu'ils portent sur les femmes, tout l'inspire. Elle sait que la mode sert à créer du désir mais pas n'importe lequel, pas n'importe comment.
Présentée au milieu des statues du Musée Bourdelle à Paris, sa collection n° 7 défile à quelques centimètres du public. La distance idéale pour observer ces pantalons étroits magistralement coupés dans une serge de laine anglaise nuit bleue, ces manteaux et vestes surlignés de cuir, à maxi-cols enrobant, ces harnais racés qui enveloppent le torse de lignes faussement sévères.
Le col coulant asymétrique d'une robe chasuble virginale, les décolletés de dos d'une longue robe de soie marine sont d'une sensualité tout en retenue. L'adhésion du public est aussi spontanée que sincère.
Par Carine Bizet