Adeline André, Bouchra Jarrar, la haute couture autrement

 

A Télérama, on soutient les créateurs indépendants, où qu’ils se trouvent. La haute couture, dans l’esprit du public, ce sont encore de longues et éblouissantes robes héritées d’une époque où la femme se devait être d’autant plus richement vêtue que son mari restait sobre d’allure.

Première parution Télérama

On l’enrubannait de soiries pour mieux la garder prisonnière de sa cage textile. Mais ce temps n’est plus, et, à l’écart du grand cirque de la mode, deux créatrices l’ont compris mieux que d’autres. Les derniers défilés de juillet en apportent une nouvelle preuve.

Quatre ans après ses débuts, Bouchra Jarrar maintient un cap affirmé vers une « couture de jour » : toujours les asymétries, toujours les perfectos étroitisés sans manche et les pantalons colonne, mais avec, en plus, des robes légères de soie fauve. Les attributs de la haute couture, plumes et broderies, hommage au métiers d'art, sont réduits à l’état de miniatures raffinées. L’effet page blanche des premières collections s’est atténué pour laisser la place à toute une variation sur le simple et le sophistiqué, le large et l’étroit, le rigide et l’aérien, le masculin et le féminin. Pas de thème, pas de discours, pas de clin d'œil, mais du savoir-faire et l’amour des belles matières. La créatrice doit conserver l’intimité de ses défilés qui révèle tout le charme de son travail.

Chez Adeline André non plus, ni mégalomanie, ni fausse poésie. Chez elle aussi, on laisse parler le vêtement, et on miniaturise par délicatesse : deux petites pièces où l’on reçoit dans une lumière blafarde, pas de mise en scène, quelques notes de piano. Mais le propos est bien différent : une couleur unique à chaque fois, vert trèfle ou bleu lagon, des coupes nettes et des matières floues, du long-court, sans référence au vêtement d’hommes, une élégance pour tous les âges, hors des conventions et des contraintes. Même le non-spécialiste (que je suis) peut apprécier la perfection mathématique des coupes. Plus qu’une collection, une petite série de chefs-d’oeuvre. Adeline André, grande dame de la couture, cultive la proximité autant que le mystère, et enchante. Tant pis pour ceux qui l’ignorent. Le présent et l’avenir de la mode sont chez les artistes-artisans, qui cherchent et qui trouvent.

Par Xavier de Jarcy